• ♦Terra Frigidus♦

    De la neige... Uniquement de la neige et de la glace. A perte de vue. Peu importe où vous alliez, vous étiez constamment entourés de ce paysage désert et immaculé. 

    A une époque, la Terre était bien différente. Il existait plusieurs climats selon les régions du monde. On trouvait alors par endroits, des forêts luxuriantes, des déserts se sables, des montagnes, des volcans, des plaines ensoleillés. Je n'ai rien connu de ce monde-ci qui a, depuis bien longtemps disparu. 

    Mon nom est Xiline Témozalème. Je suis une descendante des humains qui ont connu cette Terre. Comment la planète s'est-elle retrouvée gelée? La réponse est simple. La Terre connait des cycle. Il y en a des désertiques et des tempérés. Mes ancêtres ont vécu à une période dite tempérée, c'est-à-dire où il existait divers climats dans le monde. 

    Les livres racontent qu'à cette époque, les humains avaient une technologie très évolués. Ils avaient prévu que la Terre allait se retrouver en période désertique glaciaire à un moment. Les anciens humains s'étaient crus au-delà de la Nature. Ils ont eu tord. Leur arrogance et leur fierté leur ont coûté la vie. Doucement, la température a commencé à chuter, sur toutes les régions du monde. Les humains ont cru que de simples manteaux plus chauds allaient les aider à combattre la glaciation de la Terre. Ils se trompaient. Les humains de cette époque étaient stupides de croire pouvoir s'en sortir avec si peu. 

    Un virus avait alors fait son apparition et décimé une grande partie de la population terrestre touchant toutes les espèces. Le virus Az. Après avoir tué des milliards de personnes,  il ne restait plus que les humains les plus résistants. Actuellement, le virus existe encore mais notre corps est plus résistant face à lui et il est devenu pour nous une menace insignifiante. 

    Les Terre s'est gelée depuis le massacre fait par Az. Les corps humains ont évolué afin de moins craindre le froid. Nous vivons sous terre à présent. La surface, désertique, n'est pas pratique pour construire. Les réseaux sous-terrain se sont très rapidement imposés comme lieu de vie. Nous ne sortons à la surface que pour chasser.

    Je suis une chasseresse. Je n'ai que 16 ans mais j'ai été formé pour tuer dans la glace. Pour traquer mes proies  malgré le climat gelé. Mon rôle est de rapportée de quoi manger à mes semblables. J'ai un rôle des plus importants pour mon village sous-terrain. Nous sommes trois chasseurs. Il y a Grez, le plus vieux qui a maintenant une trentaine d'années et Zon, un plus plus âgé que moi. En général, les chasseurs ne sont pas des femmes car notre organisme, bien que résistant, est plus fragile face au froid. Cependant, je savais que chasseresse était ma destinée. J'ai tout fait pour en devenir une. 

    La technologie passée nous a abandonné. Après l'arrivée d'Az, les humains ont abandonné tout ce qui était informatique. Nous n'avons pas cependant régressé. Nous avons juste une façon de vivre différente de celle de nos ancêtres. Je pense que nous sommes plus proches de la Nature. Nous tentons de la protéger bien plus que nos ancêtres avec des méthodes plus efficaces. 

    La chasse n'allait pas être de tout repos. Une tempête de neige me fouettait le visage. Pourtant, j'étais chaudement habillée. Des bottes fourrés, un pantalon fait d'une matière que nous avons invité spécialement après le début de la glaciation afin de mieux résister au froid, un pull fait d'un tissu nommé laine ainsi que d'un blouson fait de la même matière que mon pantalon. Le tissu étant fin, il est plus simple de se déplacer rapidement mais aussi plus pratique pour viser avec le sniper que je porte en bandoulière sur mon dos. 

    Je suis seule dans le désert de glace. Mes deux partenaires de chasse sont partis chacun de leur côté. Nous ne chassons jamais ensemble car les proies sont rares et si nous nous séparons, nous avons plus de chance d'en tuer.

    Allongée dans la neige, cela va bientôt faire une heure que je guette l'approche d'un animal. Le vent glacial me pique violemment les joues. Le son des bourrasques est assourdissant. Je perds la notion du temps. 

    Quand je chasse, je me demande toujours ce qu'il se passerait si je venais à mourir de froid. Personne ne viendrait me chercher. Peut-être que Grez et Zon tomberaient par hasard sur mon corps. De toute manière, une espèce telle que l'Homme peut continuer de survivre. Chacun des membres de la société est remplaçable si on lui apprend ce qu'il faut. On ne pleure plus les morts car c'est bien trop fréquent. D'un part, par la présence d'Az qui sévit toujours malgré notre résistance et d'autre part car nous ne sommes pas une espèce faite pour vivre dans un désert de glace. 

    Je ne sens plus mes doigts. J'ai l'habitude. Je ramène mes mains vers moi et les serre contre moi afin de tenter de les réchauffer. Le vent qui transporte les flocons rend ma vision plus que limitée. La chasse est encore plus difficile avec ce temps. 

    Je décide de changer d'endroit. Je me relève avec difficulté, le vent rendant mes mouvements plus lents et surtout moins précis. Je marche dans une direction contraire au vent. Je progresse lentement. Remarquant que j'use trop rapidement mon énergie pour seulement quelques pas, je me rabaisse dans la neige et j'attend que la tempête se calme. 

    Au bout d'une demie-heure allongée dans la neige, je remarque que la tempête a baissée un peu en intensité.  C'est ma chance de me déplacer. Il n'est cependant pas question de retourner au village sous-terrain les mains vides. Trop de personnes comptent sur moi pour leur ramener de quoi manger. 

    Je ne sens même plus le froid. Mon corps s'y est habitué. Sous mes gants, je sais que mes mains sont bleutés à cause de la température qui est très basse. Je me mets à courir dans la neige afin de me déplacer plus vite sans perdre plus de temps encore. 

    Se repérer dans un désert n'est pas une chose aisée. Vous voyez de la glace partout autour de vous et le paysage ne change jamais. En pleine nuit, je sais me repérer à l'aide des étoiles mais c'est plus difficile de ne pas perdre son chemin en pleine journée comme c'est le cas actuellement. C'est pour cette raison que nous avons installé des balises à intervalles réguliers avec Grez et Zon. Les chasseurs qui étaient là avant nous faisaient de même. Nous avons repris simplement leur mode de fonctionnement. Les balises sont des plaques de métal sculptées  où se trouvent des indications pour retourner au village que nous plantons dans le sol dans toute notre zone de chasse. Je distingue une balise et m'en rapproche. 

    Je me place dans la neige attendant qu'une bête sauvage passe par là. Il n'est pas sûr que cela arrive. Je chasse depuis au moins deux bonnes heures et je n'ai croisé aucun animal pour le moment. 

    Enfin, à travers les flocons qui virevoltent dans l'air, je distingue une forme qui s'avant à travers la tête. Le gabarit de ce qui s'avance ne peut pas être humain car il est trop gros. Au moins, si je tire, je suis certaine que ce ne sera pas sur l'un de mes coéquipiers. 

    Mon sniper quitte mon dos pour se retrouver entre mes mains. Je vise la masse qui bouge non loin de là. Il me semble probable que se soit un ours polaire ou un caribou. Je sais que ces animaux ne se ressemblent pas du tout mais avec cette tempête, je suis incapable de juger de manière plus précise ce qu'est la bête que je m'apprête à abattre. 

    Je tire. 

    La bête s'écroule sur le sol après avoir poussé un hurlement d'agonie à vous donner froid dans le dos. Au son produit, je sais maintenant que je viens d'abattre un ours polaire. Ces créatures ont autrefois été protégé mais avec la glaciation, les ours polaires sont devenus des animaux très présents et dangereux pour l'Homme. Nous n'avons donc plus eu d'autres choix que de commencer à les tuer. En plus de nous protéger, les ours polaire nous serve de nourriture. Ce n'est que du bénéfique. 

    Je m'approche de l'ours étendu de tout son long sur le sol. Son pelage blanc est tâché à présent de rouge. Je m'agenouille près de la bête et en signe de respect je fais une minute de silence. Tous les chasseurs font de même après avoir tiré sur un animal. C'est notre manière de remercier la Nature. Peut-être trouverez-vous barbare ce que nous faisons mais comprenez bien que si ce n'est pas ces animaux qui meurent c'est nous. Il est connu que l'Homme est un être vivant égoïste. Son intérêt passe avant celui des autres. 

    Il m'est impossible de porter un ours tout seule. Je serais écrasée par le poids de la bête. Je sors alors de ma poche un appareil qu'on appelle un communicateur. Dans le temps d'autrefois, on appelait ces engins des téléphones. On aurait pu continuer à les nommer ainsi mais cela aurait raisonné comme faux car ce n'était pas les même appareils. Bien qu'ils ressemblent à leurs ancêtres, les communicateurs n'ont pas besoin des ondes pour fonctionner. C'est autre chose qui leur permet de fonctionner car l'électricité, nous ne nous en servons plus. C'était bien trop contraignant à notre goût. Dans les déserts de glace, les humains ne sont pas redevenus des Hommes des cavernes, ils ont juste décidé de s'adapter et de changer radicalement leur façon de vivre. L'énergie la plus utilisée s'appelle est l'eau. Il y a tellement de glace qui nous entoure que nous la faisons fondre pour nous en servir. Quant aux communicateurs, ils fonctionnent grâce à une nouvelle source d'énergie, le Termoplast. Je ne vous explique pas comment cela fonctionne car je n'en sais rien. Ce sont nos scientifiques qui savent. Notre société fonctionne sur le principe que chacun à son rôle. 

    Je tapote sur les numéros qui se trouvent sur le communicateurs avant de le porter à mon oreille. 

    "Xiline Témozalème à base rapatrieurs, dis-je près dans l'appareil.

    -Nous t'entendons, me répond une voix masculine. 

    Il s'agit de Marcusio. C'est toujours lui qui répond. Si un jour ce n'est pas le cas, je m'inquiéterais c'est sûr. Ce vieillard ne manquerait de répondre au communicateur pour rien au monde. Même malade, il se présentera à son travail. Cet homme est aussi un inventeur. Il connait tous les secrets de nos nouvelles technologies. Les gens comme Marcusio sont les moteurs de notre société alors que les personnes comme moi, font parties de la mécanique qui permet à notre société d'exister mais surtout de fonctionner. 

     -J'ai un ours polaire pour le village.

    -Bien reçu. Donne nous tes coordonnées et on t'envoie des rapatrieurs."

    Je transmets à Marcusio la position de la balise la plus proche. Je raccroche avant de m'asseoir dans la neige. Il ne me reste plus qu'à attendre.

    Au loin,  j'entends le bruit des moteurs des machines que conduisent uniquement les rapatrieurs. Il faut que je me relève pour qu'ils me voient. 

    Quelques heures plus tard, je suis rentrée. Je suis même chez moi. J'ai quitté mes vêtements chauds pour une tenue plus légère et plus agréable que mes habits de chasse. Grez a disparu. Ce sont les rapatrieurs qui me l'ont dit. Ils n'arrivent pas à le joindre sur son communicateur. Marcusio craint qu'il ne soit mort. Cependant, il ne s'inquiète pas du fait qu'une vie ait été prise, il s'inquiète du fait que si Grez est bien mort, le village comptera un chasseur de moins.

    Alors que je suis dans mon lit, je pense à Grez. Est-il vraiment mort? S'il n'est pas retrouvé très vite, il y a peu de chance qu'il s'en sorte. Les nuits sont beaucoup plus froides que les journées à la surface. S'endormir par un tel froid, comme dans les temps ancien, peut être mortel. Grez n'a aucune chance de s'en sortir s'il a été blessé et qu'il n'est pas capable de retourner au village. Si cela se trouve, il est rentré d'ailleurs. Je n'en sais rien après tout. Je me renseignerais demain matin. 

    La mort de Grez est officiel. Son corps a été retrouvé ce matin par Zon qui était parti chasser. Il avait interrompu sa chasse et était rentré au village. Nous étions tous les deux dans une pièce des galeries sous-terraines réservée aux chasseurs. 

    "Il y a plus que nous deux, soupire-t-il avec lassitude. 

    -On va bien nommer quelqu'un pour le replacer.

    Zon lève sa tête vers moi. 

    -Tu ne comprends pas! s'emporte-t-il. Personne ne veut terminer chasseur! Personne ne veut risquer sa vie à tout moment ni passer des journées à la surface dans la glace! Tu n'as pas vu le corps de Grez! Tu ne peux rien dire, Xiline! Tu ne comprends pas!"

    Il est inutile que j'essaye de le calmer. Il est bien trop énerver. Je ne comprend pas effectivement ce qui le met dans un tel état. Je pense que c'est le fait d'avoir vu le cadavre de Grez qui le perturbe. Je n'ai jamais vu de mort. 

    "Tu devrais aller te reposer. Je pense que tu en as besoin.

    Zon me fixe un bon moment. Puis, il se lève. Tout son corps exprime sa lassitude. 

    -Tu as raison."

    Il quitte la pièce me laissant seule. Mon regard se perd dans le vide. Je devrais être triste pour ce qui vient d'arriver à Grez. Mais ce n'est pas le cas. Je ne ressens ni peine ni joie. Juste de l'indifférence. Et je me déteste pour cela. Je connais Grez bien mieux que Zon. Sa mort aurait dû me faire quelque chose! Je suppose que je n'ai pas encore bien réalisé. 

    Ce n'est qu'au bout d'une semaine que je comprend réellement que Grez est mort. Je pleure. Très souvent. Plus que je ne le voudrais. Pendant mes chasses, je me surprend plusieurs fois  à avoir des larmes gelées par le froid qui coulent sur mes joues. Zon ne pleure pas lui. Quand il voit les traces de larmes séchées sur mes joues, il me dit systématiquement que je suis pathétique. 

    "La ferme, Zon! Tu n'as aucune leçon de morale à me donner."

    Il me laisse tranquille. Je veux être seule, totalement seule. Je ressens ce besoin incompréhensible de m'isoler de tous mes semblables. Par conséquent, je décide de monter à la surface du village.

    Le froid me mord les joues dès que je sors ma tête à la surface. Il fait beau aujourd'hui. Je dois avoir probablement de la chance. Je me mets aussitôt à marcher vers le sud. C'est toujours dans cette direction que je pars chasser. Seulement, aujourd'hui, je me promène simplement. Personne ne risque de me déranger. La plupart des habitants du village sous-terrain, ne viennent pas à la surface. 

    Je ne sais pas combien de temps de marche. A chaque pas, je sens le couteau que j'ai accroché à ma cuisse au cas où je croiserais une bête sauvage. De toute façon, avec ce temps clair, je la verrais arriver de loin. Je devrais me lasser de ce désert de glace. Pourtant, je trouve le paysage à couper le souffle.

    Mon esprit vagabonde loin de la réalité. Je me demande à quoi ressembler réellement le monde des anciens Homme. Leur monde... j'aimerais le connaître. Les Hommes étaient-ils meilleurs que nous? Leur façon de vivre était-elle si malsaine par rapport à la nôtre? Tant de questions auxquelles je n'aurais jamais aucune réponse. Un grand vide s'empare de moi. 

    Pour la première fois, je me rend subitement compte que je ne suis rien. Les anciens Homme, qui se croyaient si forts qu'on parleraient toujours d'eux dans le futur, étaient maintenant presque tous oubliés. Grez serait vite oublié. Il ne reviendra plus et pourtant tout le monde continue sa vie, peut importe sa présence ou son absence. Quand il m'arrivera la même chose, je serais moi-même bien vite oublié. 

    En m'asseyant dans la neige, je ressens un grand vide. C'est une impression étrange. En fait, j'ai l'impression de tomber dans le vide, comme si je venais de chuter. Ma respiration est lente. Alors, je me demande quel est mon rôle ici? Mon rôle sur Terre? Est-ce qu'au moins j'en ai un? Je me sens écrasée, oppressée par le poids du monde. Mon existence me parait être une farce, quelque chose de ridicule. Pourquoi l'humain existe si c'est pour lui reprendre tout ce qu'il a accomplit dans une vie, tout ce qu'il a construit de ses propres mains, lorsqu’il disparaît? Il n'y a aucune logique à ma pensée! D'ailleurs... pourquoi est-ce que je recherche une logique? Les pensées s'embrouillent toutes seules dans ma tête. Une migraine me fait grimacer. 

    Je rentre au village lorsque la lumière du Soleil décline  à l'horizon. Mes pieds s'enfoncent dans la neige. Je ne veux pas rentrer. J'ai plutôt envie de me jeter dans la neige, de m'y allonger et de rester là sans bouger. D'attendre que le temps passe, tout simplement. Mais ce n'est pas ce que je fais car je pourrais mourir de froid. Et, étrangement, il me parait hors de question de le faire. Il me parait inconcevable de m'allonger pour me laisser dépérir. Malgré que je n'aime pas spécialement le monde dans lequel je vis, une sorte d'instinct me pousse à vivre et à aimer la vie. 

    ***

    Les années ont passé. Les paysage du désert de glace n'a pas changé. Il est resté le même. Avec Zon, nous nous sommes rapprochés. Puis, nous sommes sortis ensemble. Et maintenant, je suis enceinte. Il ne le sait pas encore. Je comptait lui dire dans la soirée, une fois que je serais revenue de la chasse. 

    Malheureusement, les choses ne se passent pas forcément tel qu'on le voudrait. En pleine chasse, je suis tombée sur un rex. Les anciens humains ne connaissent pas cette bête. C'est une sorte de loup avec des cornes et des griffes acérées. Ces bêtes-là, elles ne vivent pas dans notre région normalement. Je n'en avais jamais vu. Et j'ai été blessée.

    Le reste, je ne m'en souviens plus. En fait, après cet épisode, je me suis réveillée dans une chambre aux murs blancs. Ma mémoire me semble effacée. Je me mets à paniquer. 

    "Xiline?

    Un homme me regarde. Xiline ? Est-ce à moi qu'il parle?

    -Comment te sens-tu? Tu m'as fait peur! J'ai cru que j'allais te perdre comme Grez il y a quelques années. 

    -Qui êtes-vous?"

     

     

     


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