•     Le lendemain, je me suis levée aussi tôt que la veille mais pour une toute autre raison. Je ne veux pas qu'Ethan m'emmène. Je suis encore bien trop en colère après lui. Mon comportement intrigue mes parents  car, Ethan et moi, nous ne nous sommes jamais disputés.

       J'attends le bus quand je vois la voiture de mon ami sortir de chez lui. Il s'arrête devant moi.

    "Tu veux monter? 

    -Non."

    Il hoche simplement la tête et s'en va sans insister. Je le regarde tristement s'éloigner. Cela m'est insupportable de lui faire la tête. Mais je veux lui faire comprendre que je suis totalement contre ses agissements. 

        Le bus arrive et je monte dedans. Je cherche une place libre des yeux et je m'assois sur la première que je trouve. Je n'ai personne à côté de moi. Un arrêt plus tard, une des filles que n'apprécie pas Mathilda monte dans le bus. Il s'agit de celle avec le chignon. Je n'arrive pas à me rappeler de son prénom... Béatrice? Britney? Beverly? Quelque chose comme ça il me semble... En tout cas, elle vient vers moi. Elle s'arrête même juste devant moi en se tenant au siège pour ne pas tomber puisque le bus a redémarré.

    "Dégages, c'est ma place, me lance-t-elle froidement.

    Je me rend compte que c'est une fille intimidante. Elle me foudroie du regard. Apparemment, elle n'apprécie pas du tout que je sois assise ici.

    -Mais... il y a plein de places libres.., lui répondis-je en bafouillant.

    Qu'est-ce que je me déteste des fois d'être si timide et facilement impressionnée par les autres! Elle me lance un autre regard noir qui me donne envie de disparaître dans mon siège.

    -J'ai dit que c'était ma place alors tu te lèves et tu dégages."

    Joignant le geste à la parole, elle m'attrape le bras et me le tire pour me forcer à me lever ce que je fais car je n'ai pas envie d'avoir des ennuis avec elle. Je lui cède ma place et vais plus loin en sentant les regards des autres élèves sur moi. Je rougis de honte. Je n'aime pas être le centre de l'attention! Si j'avais la force de Mathilda, je l'aurais envoyée balader, mais je ne suis pas Mathilda...

    Assise à ma nouvelle place, je suis dérangée par un garçon derrière moi. 

    "Alors, beauté, on se fait martyriser? 

    Je me retourne et reconnait le garçon blond à lunettes. C'est un joueur. Mon coeur se met à battre plus vite, pas parce qu'il est mignon, même s'il l'est, mais parce que la peur s'est emparée de moi. 

    -Allons, allons, à te voir, on dirait que je vais te manger. Ce n'est pas le cas, enfin, ça dépend dans quel sens, ajoute-t-il en m'accordant un clin d'oeil.

    Lui, il me fait vraiment peur! Il n'y va pas par quatre chemins avec sa façon de se comporter et ses sous-entendus. 

    -Je ne veux pas me faire manger peu importe la manière."

    Il rit face  à ma réponse. Au moins, j'ai réussi à lui répondre. C'est déjà un exploit venant de ma part. Bien sûr, ce garçon s'en fiche. Ce qui le fait rire, c'est ma phrase. Je regarde à présent par la fenêtre du bus afin de ne pas devoir faire la conversation à ce joueur. Il aurait sûrement été préférable que j'accepte de monter dans la voiture d'Ethan ce matin. En repensant aux comportements du garçon blond, dont j'ai oublié le prénom, et de Léo, Ethan doit être un ange dans leur jeu. C'est en tout cas ce que je suppose. 

        Je n'arrive toujours pas à me repérer à l'intérieur du lycée. Je crois même que je me suis perdue en cherchant ma classe. Qu'est-ce que j'espère croiser Mathilda, Jenny ou Kim! Mais cela n'arrive pas. A la place, je me retrouve nez à nez avec la fille du bus et ses copines. 

    "Tiens, tiens, tiens, ne serait-ce la petite voleuse de place? 

    Je l'ignore et continue ma route, c'est sans doute la meilleure chose à faire. Seulement, une de ses copines me barre le chemin. 

    -Tu oses m'ignorer, moi, Beverley, sale petite ingrate? grince-t-elle des dents en venant elle-même devant moi.

    Je n'ose pas répliquer. J'ai bien trop peur. Je regarde mes pieds en espérant qu'elle me laisse tranquille. Elle se sent puissante car elle est entourée. Elle me dévisage des pieds à la tête.

    -Répond! 

    -Laisses-moi passer... Je veux juste aller en cours. "

    Beverley rit. Elle me bouscule un peu, imitée par ses copines. J'en perds l'équilibre et tombe. Elle prend mon sac et commence à fouiller dedans. Elle sort ma trousse à laquelle est attachée un petit grigri en forme de nounours. Il s'agit de mon porte-bonheur. Elle l'arrache sans ménagement et l'agite sous mon nez. 

    "Non! Rends le moi! lui ordonnais-je.

    -Non, je le trouve mignon, je le garde, me répond-t-elle en affichant un sourire carnassier. 

    Elle range mon porte-bonheur dans son sac alors que je me relève. J'y tiens tellement! Ce grigri est le cadeau que m'a fait Ethan à la fin du collège lorsqu'il a appris qu'on serait dans des lycées différent. Cet objet a une grande valeur sentimental pour moi.

    -Beverley! Fous lui la paix! 

    La voix masculine qui vient de dire cela provient de derrière moi. Je ne la connais que trop bien. Je me retourne pour voir Ethan, l'air furibond, avec Léo à ses côtés.

    -Oh, ça va, Ethan. Je ne fais que m'amuser un peu. Il faut bien apprendre aux nouvelles qui commandent ici. 

    -Barres-toi avec tes bimbos."

    Beverley ne semble pas du tout intimidée mais elle part tout de même avec sa petite cour. Ethan tourne sa tête vers moi. Les traits de son visage s'adoucissent. 

    "Alors, toi, t'es vraiment un aimant à problèmes.

    Même si je suis en colère contre lui, je suis soulagée qu'il soit intervenu.

    -Je n'ai rien fait pour... 

    -Je sais, Beverley aime juste tourmenter ceux qui sont plus faibles qu'elle, soupire-t-il. 

    -Vous vous connaissez tous les deux? demande Léo. Je croyais que tu voulais l'aider parce que tu n'appréciais pas Beverley, ajoute-t-il à l'intention d'Ethan. 

    -Ouais, alors évites d'approcher tes pattes d'elle. C'est un peu comme une soeur.

    Ethan cherche encore à me protéger? Il joue à ce jeu et pourtant il veut m'en écarter le plus possible. Je ne le comprend pas par moment, son comportement est un peu contradictoire des fois.

    -Une soeur, hein? 

    Ethan lui lance un regard noir. A ce moment, la cloche sonne. Les cours vont commencer. Léo me regarde.

    -Tu viens? 

    -Où? lui demandais-je.

    -Je te rappelle que nous sommes dans la même classe. On a cours dans un autre bâtiment et si..., il regarde un instant Ethan, monsieur le justicier apprenait que sa chère "soeur" n'arrivait pas en cours, il me prendrait la tête.

    -La ferme, Léo, grogne Ethan.

    -Allons-y", dis-je simplement pour partir le plus vite possible et ainsi arrêter cette étrange atmosphère de tension qui semble s'être installée.

    Je remercie tout de même Ethan de m'avoir secourue. Puis, je pars en suivant Léo. Il marche devant moi en silence. Au moins, il n'a pas le mauvais goût de se comporter comme le joueur qui était assis derrière moi dans le bus ce matin.

    "Anna, c'est ça? me demande-t-il tout à coup.

    -Oui. Et toi, c'est Léo. 

    -Je vois que tu as retenu mon prénom, sourit-il en se tournant vers moi. Serait-ce parce que je suis inoubliable? 

    -Euh... non, c'est juste qu'on te remarque facilement.

    -Ah? C'est étrange, Ethan n'avait jamais parlé de toi avant, change-t-il de sujet. Serait-ce parce qu'il... ne veut pas qu'un de nous te mêle au jeu? Je sais que tu es au courant, tout le monde connait notre jeu. 

    Je suis en train de rougir tandis qu'il sourit de toutes ses dents comme une sorte de prédateur affamé devant une proie qui n'a aucun échappatoire. Et cette proie, c'est moi. 

    -Peut-être veut-il tout simplement faire de toi son pion? 

    Non! Ethan ne serait pas capable de faire cela ! Surtout après avoir voulu me protéger du jeu. Je sais que je ne devrais pas lui parler, ou alors, le faire le moins possible mais je ressens le soudain besoin de lui demander: 

    -Que se passe-t-il si une fille est choisie et qu'elle refuse de participer? 

    J'ai peur de la réponse mais Léo me la donne immédiatement. 

    -Si elle refuse ? Nous, les joueurs, on se charge personnellement de la détruire, de l'isoler, de faire en sorte qu'elle ne supporte même plus l'idée de mettre les pieds ici. 

    Ma tête doit refléter ce que je pense de cette révélation car Léo sourit presque avec compassion. C'est horrible, ignoble ! En plus de faire ce jeu stupide, ils ne laissent pas le choix à celles qu'ils choisissent. C'est révoltant! 

    -Mais ne t'en fais pas, petit chou à la crème, ajoute-t-il en se rapprochant de moi.

    Qu'est-ce que c'est que ce surnom? D'où suis-je de la nourriture? Il continue:

    -Tu n'as rien à craindre sauf si...

    Il ne termine pas sa phrase que déjà mes joues ont pris la jolie couleur du rouge écarlate. Il comprend alors que je suis tout  à fait admissible comme pion du jeu. Il se rapproche encore.

    -Le petit chou à la crème d'Ethan voudrait-il participer? 

    -Non!" je réplique aussitôt avec force. 

    Léo rit et s'éloigne de moi. Il ne m'adresse plus la parole et nous allons en classe. J'ai un mauvais pressentiment. 

        En classe, je vais m'asseoir près de Mathilda qui m'interroge sur le fait que je sois arrivée en même temps que Léo. Je lui raconte à voix basse ma mésaventure de ce matin puis le sauvetage d'Ethan et enfin la conversation que Léo et moi avons malheureusement eu. Elle est soucieuse mais pas pour elle, pour moi. Et moi aussi, je m'inquiète pour moi. 

        Lorsque la pause du midi arrive, une certaine agitation règne au self. Je suis assise à une table avec Mathilda et Kim. Nous nous demandons ce qui provoque tout ce remue ménage. C'est Jenny qui nous met au courant lorsqu'elle nous rejoint. 

    "Que se passe-t-il? je lui demande. 

    -Le premier pion a été choisi, répond-t-elle. 

    Kim qui buvait dans son verre a faillit recracher l'eau qu'elle avait dans sa bouche.

    -Qui? s'empresse de demander Mathilda, ses yeux brillants d'une curiosité assez malsaine.

    -Byron. Il a décidé que Beverley serait l'un de ses deux pions."

     


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