• Point de vue de Mathilda: 

    Je me demande pourquoi ce gnome (qui est plus grand que moi) d'Ethan veut me voir. Pense-t-il une seule seconde à essayer de me draguer? Hum... ça m'étonnerait franchement vue la manière dont on s'entend. Il va sûrement encore me parler d'Anna. Il n'a que son prénom à la bouche... Anna par ci... Anna par là... C'est agaçant! Attention, je ne dis pas que je préférais qu'il se soucie autant de moi. Je voudrais juste qu'il cesse de la couver comme une maman poule. C'est d'ailleurs une facette d'Ethan qui m'a surprise. Je ne pensais pas qu'il pouvait tenir à quelqu'un à ce point et encore moins une fille. C'était tout à fait surprenant. 

    Le problème c'est qu'il souhaite la protéger beaucoup trop et en plus, il n'en est même pas capable. C'est navrant. 

    Enfin bref, je devais aller retrouver Ethan au parc aujourd'hui dans moins de deux heures... Youpi! Je suis folle de joie... Je préférerais largement passer mon après-midi tranquillement dans mon jardin à écouter de la musique et à lire un bon livre. En plus, j'en lis un que j'aime beaucoup en ce moment mais non! Il faut qu'à cause de ce stupide jeu, j'aille rejoindre ce stupide joueur. 

    Je n'ai pas pris longtemps pour me préparer. Hors de question que je me pomponne pour aller rejoindre ce vers répugnant. Bon... d'accord... Ethan est loin d'être répugnant physiquement parlant... Tout comme les autres joueurs d'ailleurs. Je soupire en regardant le bracelet qui est attaché à mon poignet. Saleté de bracelet.

    On sonne à ma porte. C'est ma mère qui ouvre tandis que je traverse chez moi pour voir qui vient de sonner. Oh! Mais quelle chance! Ethan a tout prévu! Il s'est sans doute dit que je ne viendrais pas, ce que j'ai hésité à faire mais je ne préfère pas m'attirer sa colère, on ne sait jamais, du coup, ce cloporte a envoyé son apprenti me chercher. 

    "Qui est-ce ? m'interroge ma mère en mon montrant Thomas. 

    -Un pote. On va rejoindre d'autres gens au parc. 

    Inutile d'en dire plus. Je finis de mettre mes chaussures et je sors de chez moi.

    -Salut! me lance Thomas avec un sourire angélique. 

    -Hum, salut. "

    Je n'ai pas tellement envie d'être aimable. Thomas hausse simplement les épaules et ne tente pas de me parler. Il est le frère de Nathan, mais pourtant, il a un caractère vraiment différent. J'ai été plutôt étonné de découvrir que Thomas était un apprenti. Je le vois comme un gamin trop sage pour tremper dans un tel jeu... M'enfin... C'est vrai que c'est le frère de Nathan alors forcément, c'était logique qu'il soit sélectionné comme apprenti. 

    J'avais mis un jean tout simple et un vieux t-shirt. Je n'avais pas pris la peine de me maquiller. A quoi bon? J'allais juste voir ce cloporte d'Ethan au parc. Inutile de faire un effort. Si ça se trouve, ma négligence l'effrayera et il me foutra la paix pour ce stupide jeu. Non... je suis un pion, donc même si Ethan me fiche la paix et ne tente rien, les trois autres clowns tenteront leur chance. 

    En bon toutou, Thomas m'escorte jusqu'au parc. Je connais le chemin tout de même! Je ne vais pas me perdre! Thomas garde le silence tout le trajet. Et ce n'est pas pour me déplaire. Enfin, nous atteignons le parc. Ethan est devant l'entrée pianotant sur son portable. Il lève la tête en entendant le bruit de nos pas se rapprocher. 

    Aussitôt après notre arrivée, Thomas s'éclipse, comme un fantôme. Je me retrouve seule avec Ethan... hourra! Je suis aux anges...

    "Tu voulais me voir?

    -Qui veux-tu que je vois? Tu es mon dernier pion.

    Ah bah effectivement... Vu sous cet angle...

    -J'ai pas demandé à faire partie du jeu et encore moi à devenir ton centre d'intérêt. Peut importe ce que tu me proposeras, c'est non, Ethan. 

    Je commence à rebrousser chemin. J'ai fait la route de chez moi jusqu'ici pour repartir aussitôt... quel gâchis! 

    -Je voulais juste te payer une glace! crie Ethan.

    Que vient-il de dire? Une glace? Et c'est lui qui paye? Je m'arrête et fait demi-tour pour me retrouver face à lui.

    -Oh mais ça change tout. Tu aurais dû le dire avant."

    Soyons clairs, je n'apprécie pas du tout Ethan mais si je peux avoir une glace gratuitement... je veux bien faire un effort. 

    Je dois avouer que je me suis trompée sur le compte d'Ethan. Il ne m'a pas parlé d'Anna de l'après-midi et n'a pas tenté de m'embrasser ou un truc du genre. Il remonte un peu dans mon estime mais je ne perds pas l'esprit pour autant. C'est un joueur. Sa gentillesse envers moi n'est pas gratuite et je le sais parfaitement. S'il n'a rien tenté aujourd'hui, c'est qu'il veut m'amadouer pour m'avoir plus facilement une autre fois. C'est triste de devoir se méfier autant d'une personne. 

    Je rentre chez moi seule. Pas de Thomas pour me raccompagner et Ethan ne m'a pas proposé de me ramener. De toute façon, j'aurais décliné. Plus un joueur se tient loin de moi, mieux je me porte. 

    -----------------------------------------------------------------------------------------------------------Point de vue  de Léo:

    Il est 19h30 lorsque je regarde ma montre. Je suis chez moi dans ma salle de bain et je me prépare pour le concert. J'ai invité mes deux pions hier, Amandine et Anna. Mais cette dernière ne peut pas venir. Elle n'est même pas capable de désobéir un peu... Cette fille est trop sage, c'est ennuyant. En revanche, Amandine a accepté tout de suite. 

    Je sors de la salle de bain et me rend aussitôt dans ma chambre afin de m'habiller. Ce soir, je compte séduire Amandine, voit si elle est réceptive ou non. Mais je ne pense pas que je lui prendrai son bracelet. Ce ne serait pas marrant, trop tôt. Honnêtement, j'aimerais qu'elle me tienne tête. Qu'elle refuse mes avances et qu'elle me fasse galérer. C'est ce que j'aime le plus dans le jeu. Plus tu galères avec ta cible plus la victoire est savoureuse. J'aime pas que les filles me tombent facilement dans les bras, je n'y vois aucun intérêt. Je sais que je suis beau et que j'ai du charme mais quand c'est trop simple, je me lasse. C'est pas plus compliqué que ça. 

    Une fois que je suis finalement prêt, je sors de ma chambre. Je vais directement partir. Inutile d'aller voir mes parents, je les entend se hurler dessus à l'autre bout de la maison. Je soupire et mets mes chaussures. Puis, je me casse aussi vite que possible. Je n'aime pas rester trop longtemps chez moi. En fait, je n'y viens que pour me laver, manger et dormir. Le reste du temps, je me débrouille pour être ailleurs, au lycée ou avec des potes. 

    Du coup, je passe très peu de temps chez moi. Je viens ici juste pour dormir, me doucher et manger. Je ne parle presque plus à mes parents. Les relations sont tendues entre eux et moi et entre eux tout court. Ma mère s'énerve facilement et mon père c'est pareil. Il boit aussi pas mal d'alcool. Il est rarement ivre mais il est alcoolique même s'il refuse toujours de l'avouer. Mon père est dépendant de l'alcool. Du coup, il s'énerve aussi très facilement et les disputes éclatent souvent avec ma mère. C'est pas la joie à la maison. Parfois je me demande si ce ne serait pas mieux si mes parents se séparaient. Malgré toutes leurs disputes, rien ne se passe. 

    Je vais chercher Amandine chez elle. Quand j'arrive devant sa maison, je lui téléphone. Hors de question pour moi d'aller sonner pour me retrouver en compagnie de son père ou sa mère. Elle sort de chez elle et je l'observe. Je sifflote. Elle s'est fait belle pour moi ce soir. Enfin belle... disons qu'elle s'est apprêtée pour moi. Amandine n'est pas moche, loin de là mais elle n'est pas spécialement mon style. Elle était belle mais sans plus. Elle était presque banale. 

    Plus elle approche de moi, plus que je la distingue. Elle est trop maquillée. Ses yeux marrons tirant beaucoup vers le rosé, étaient entourés à outrance de noir. Elle avait trop de mascara et son rouge à lèvre était trop pigmenté pour que le rendu soit beau. Attention! Elle est agréable à regarder, vraiment très agréable avec son débardeur court qui lui arrive au niveau du nombril et son short très court.

    "Prête à danser? je lui lance quand elle arrive enfin devant moi.

    -Trop! Au fait, quel groupe m'emmènes-tu voir?

    Je lui adresse mon plus beau sourire. 

     -Le mien.

    Amandine semble surprise. Parfait. C'est justement ce que je voulais. L'impressionner. Plus une fille est impressionnée plus il est simple de la séduire. C'est en tout cas ce que j'ai appris à force de jouer à ce jeu. 

    -C'est trop cool! Je ne savais pas que tu faisais de la musique. Tu joues de quoi?

    Elle me sourit d'une manière pas très naturelle. Un instant, je me demande si ce n'est pas elle qui essaye de me séduire. Si c'est le cas, elle est à côté de la plaque. 

    -Je sais jouer du piano. Mais dans le groupe, je suis le chanteur. "

    Une fois de plus, je peux lire de l'admiration dans son regard. Je souris. C'est presque trop simple. Je pourrais très facilement lui prendre son bracelet ce soir.. L'idée est tentante. Mais non. C'est trop tôt. Ce ne serait pas amusant. 

    Une fois que nous sommes arrivée sur le modeste lieu du concert, je la laisse près de la scène, tout devant. De cette façon, je pourrais garder un oeil sur elle pendant tout le concert. C'est très stratégique de ma part, je trouve. 

    Je vais rejoindre dans les coulisses improvisés le reste de mon groupe. Je les salue un à un. Aucun n'est dans le même lycée que moi. Nous sommes tous potes d'enfance. 

    "T'as emmené une fille, Léo? me demande l'un d'eux.

    -Ouais.

    -Elle est canon, comme toutes celle que tu as emmené auparavant, me souffle un autre.

    -Je sais, vieux. Mais comme les autres, pas touche. C'est ma propriété."

    Je souris. Mes potes musiciens ne sont pas au courant pour le jeu. Je ne sais pas ce qu'ils penseraient de moi s'ils étaient au courant. Probablement que leur avis me concernant ne serait pas trop différent. Ils ont l'habitude de me voir papillonner avec les filles alors jeu ou pas, ils auraient le même avis sur moi que maintenant. 

    Nous montons sur scène. Le traque est là. Quand on voit les gens qui nous regardent et qu'on ne joue pas encore, on stresse. C'est ainsi... Puis la musique nous envahit et nous nous laissons porter par les notes que nous connaissons par coeur. Le publique? Une fois que nous commençons à jouer, nous l'oublions un peu. Il est présent mais toute notre concentration est focalisée par notre musique. Même Amandine n'existe plus dans ces moments là. Ni Amandine, ni tout le reste, le jeu, les pions, les joueurs, les potes, le lycée, mes parents... Plus rien. C'est le vide. Il n'y a rien d'autre que la musique. C'est un échappatoire qui m'est devenu indispensable. Je n'arrive plus à envisager ma vie sans musique. 

    Toutes les bonnes choses ont une fin. Nous ne pouvons pas jouer pour l'éternité nos morceaux. Je suis en sueur et j'ai le souffle court. On n'imagine pas forcément l'énergie que chanter demande. C'est épuisant. Nous saluons sous les applaudissements du publique venu nous écouter. C'est un moment qui nous rend fiers. Ces gens ont apprécié ce que nous avons fait et c'est ce qui nous pousse de l'avant. 

    Je range mon micro dans une boîte pour le transporter. Je suis dans les coulisses improvisés, derrière la scène avec les autres membres de mon groupe. Nous nous félicitons mutuellement mais nous nous critiquons un peu aussi. C'est important, pour nous améliorer. 

    Je bois un peu d'eau avant d'aller rejoindre Amandine. Alors que je sors des coulisses, je la vois discuter avec un mec que je connais pas. Il a dû venir au concert et a dû également aborder mon pion la trouvant belle. Ou alors c'est elle qui est allée le voir. Dans ce dernier cas, je ne serais pas étonné même si c'est assez peu prudent avec un joueur dans les parages. Elle devrait pourtant faire attention alors ce qui est arrivé à Nolwenn qui a couché avec mon cousin. D'ailleurs, en parlant de Robin, j'aurais dû lui dire de venir. Il aurait pu surveiller Amandine. Hum.. J'y penserais la prochaine fois. Je n'ai pas en confiance en mon pion. Je m'approche d'elle et de l'inconnu. Il est en train de lui dire quelque chose qui la faire glousser comme une dinde.

    "Je ne vous dérange pas?

    Mon ton est froid et le mec se crispe en m'apercevant. 

    -Je ne savais pas que tu avais un copain, dit-il assez gêné à l'adresse de mon pion.

    -On est pas un couple. N'est-ce pas, Léonounet?

    Je grimace. Qu'est-ce que c'est que ce surnom de guimauve? 

    -On a une relation plutôt compliqué. Mais disons que je suis possessif alors reste loin d'elle."

    Le mec n'en demande pas plus. Il s'en va presque immédiatement. Près de moi, j'entend Amandine qui glousse encore. C'est ennuyant. Elle se force pour passer pour une écervelée. A moins qu'elle en soit vraiment une? 

    Je lui propose de la raccompagner jusqu'à chez elle. Je sais qu'elle a été conquise par le concert. Je le vois dans son regard. En bon joueur, je sais ce que pense les filles en face de moi rien qu'en regardant leurs yeux. On dit que ces orbites sont les fenêtres de l'âme.. et ce n'est pas faux. 

    Alors que nous marchons, je la vois se rapprocher de moi. Je n'ai rien à faire. Amandine est déjà conquise. Ce n'est même pas amusant. Je pensais qu'elle me donnerait plus de fil à retordre mais elle est attirée par moi comme une abeille par une fleur. 

    Nous arrivons devant chez elle.

    "Je te laisse là, princesse. 

    -Princesse? Même pas reine. Même pas un au revoir, boude-t-elle.

    J'esquisse un sourire. Je sais parfaitement ce qu'elle veut alors je m'approche d'elle.

    -Un au revoir digne d'une princesse comme toi? "

    Elle hoche la tête d'un air faussement timide juste avant que je l'embrasse. Depuis le début de la soirée, c'est ce qu'elle souhaitait. Elle devait penser que j'allais le faire plus tôt mais je n'en avais aucune envie. Même là, en l'embrassant, je m'en fiche d'elle. Je ne ressens rien. C'est juste une impression agréable de l'embrasser mais sans plus. Je ne fais pas durer cet échange bien longtemps. 

    "On se reverra au lycée, princesse. "

    Je m'écarte rapidement d'elle avant qu'elle essaye d'obtenir un autre baiser. Je tourne les talons et part sans lui adresser un regard de plus. 

    Lorsque j'arrive chez moi, mes parents dorment. Cela fait longtemps qu'ils n'attendent plus mon retour le soir pour aller se coucher. Je ne fais pas de bruit pour ne pas les réveiller. Je ne leur dis jamais où je sors et je ne sais même pas s'ils s'en inquiètent. Probablement pas. Je me faufile comme un chat jusqu'à ma chambre dans l'obscurité nocturne. J'enlève mes habits et me glisse dans mon lit. Avec Amandine, c'est gagné, j'aurais son bracelet. Mes pensées vagabondent alors vers mon autre pion, Anna. Je n'ai pas vraiment pu lui parler. Il y a toujours un de ses deux chiens de garde pour la protéger, je parle, bien entendu, d'Ethan et Mathilda. 

    Je me demande s'il sera plus compliqué de la séduire, elle... Il faudrait déjà que je l'aborde quand elle est seule pour avoir ma chance. Après tout, tout ce que je veux, c'est son bracelet et rien d'autre. Je ne regrette pas de l'avoir choisie. Elle est agréable à regarder et n'a pas l'air d'être une fille qui met le bordel. Tant mieux. Robin aura sûrement moins de travail de surveillance avec elle qu'avec mon autre pion. Oui, Anna me semble être ce genre de fille discrète qu'on remarque à peine mais qui est pourtant utile. Je ne sais pas encore en quoi mais je sens que cette fille me sera utile. C'est l'intuition même si je ne l'ai choisi que pour agacer Ethan à la base. 

    Je m'endors sur ces pensées. Je me suis décidé, la semaine prochaine, je vais tenter de la séduire. Je vais peut-être pouvoir m'amuser un peu si elle n'est pas aussi décevante qu'Amandine. Cette simple pensée me fait sourire. 


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  • Ce one-shot est inspiré du conte des Souliers au bal usés des frères Grimm ainsi que de Piégée d'Heather Dixon. 

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    Des rires enfantins résonnaient dans le château tout entier. Des applaudissements les suivirent. Dans le jardin du palais royal, bien à l'abri des regards, cachées par des arbres, les petites princesses, filles du roi et de la reine du royaume de Mandragora, dansaient. 

    La plus âgée, l'aînée, se nommait Alice et était alors âgée de 10 ans. Espiègle, souriante et énergique, cette enfant qui, un jour monterait sur le trône, n'aimait qu'une chose dans la vie, danser. C'était sa passion. Passion qui lui avait été transmis pas sa mère. Et passion qu'elle transmettaient à ses soeurs. 

    Alice apprenait ce jour-là de nouveaux pas à ses soeurs. Celles-ci avaient toujours des yeux qui brillaient de joie quand elles voyaient leur aînée dansait. Il faut dire que malgré son jeune âge, Alice avait déjà beaucoup de grâce. 

    Cette partie de son enfance, Alice n'en avait que de bons souvenirs qu'elle chérissait plus que tout. Durant cette période, elle ne se souvenait pas avoir été malheureuse ne serait-ce qu'une seule fois. Mais toutes les bonnes choses ont une fins et avec les années qui passèrent, il fallait bien que le temps heureux prennent un jour fin. 

    Des années plus tard, Alice avait à présent onze soeurs. La plus jeune venait de naître et la fatigue de l'accouchement avait eu raison de la reine. La famille royale fut alors en grand deuil. Le souvenir de la reine était encore tellement présent dans le coeur de son mari, de ses filles et des domestiques. C'était une femme d'une grande générosité et pleine de bonté. Tout le monde la regrettait. Mais celui qui était le plus malheureux de cette perte était le roi, son époux. A l'annonce de la naissance de sa fille et du décès de son épouse, il était à la chasse. Il n'avait pas vu la femme avec qui il avait partagé tant d'années et tant de choses dans ces derniers instants. C'était bien là son plus grand regret. Il n'arrivait pas à se remettre de cette blessure causer par cette disparition.

    Le chagrin eu raison de lui. Il ne résonnait plus comme il aurait dû. Le roi ferma les portes du palais et le plongea dans l'obscurité en ordonnant la fermeture de tous les volets. Le château était devenu une cage dorée où la liberté n'avait plus sa place. Le roi fit passer également d'autres réformes. La musique était maintenant interdite dans tout le royaume comme le chant et la danse. Pourquoi? Et bien parce que c'était les activités préférées de sa défunte femme. Ses filles avaient protesté,surtout Alice,  contre cette dernière interdiction mais le roi n'avait pas cédé. La danse était désormais interdite et elle le resterait tant qu'il serait encore en vie. 

    Peu de monde venait à partir de ce jour au palais royal. Les portes en étaient fermées et la vie semblait être ralentie. 

    Pendant plusieurs années,Alice et ses soeurs ont continué de grandir ainsi. L'aînée était à présent en âge se marier mais elle savait que son père ne lui trouverait pas de prétendant alors qu'il le devrait. Il ne le ferait pas car, pour lui, Alice était encore une toute jeune enfant. Il ne l'avait pas vu grandir et il ne se rendait pas compte qu'elle était maintenant une jeune femme. Une jeune femme loin d'être épanouie. Alice rêvait d'aventure et de partir à la découverte du monde loin de ce château obscure avec ses maudites règles qui vous enfermez alors que vous n'aviez rien demander. Et puis, par dessus tout, elle voulait pouvoir danser de nouveau. Danser sans penser  à rien d'autres. Alice en était sûre, sa mère n'aurait pas approuvé que le roi interdise la danse car c'était ce qu'elle avait de plus précieux. La danse était un lien entre la mère et ses filles, une passion commune qu'elle leur avait partagé. Le dernier lien qui les unissait d'ailleurs car le roi avait fait brûler tous les portraits de la reine et toutes les photos où elles apparaissaient. Elle n'existait plus et aucune preuve de son existence n'était admise à rester visible à quiconque. Seul la mémoire des gens qui l'avait connu pouvait encore se souvenir du visage de cette reine. Le deuil dans lequel le royaume était contraint de rester était aussi une marque du souvenir encore présent malgré les années écoulées. 

    Cependant, les choses ne sont jamais éternellement figés. Peu importe ce que l'on souhaite, il y aura toujours un grain de sable qui viendra enraillé votre projet. 

    Chaque soir Alice lisait une histoire à ses plus jeunes soeurs pour les endormir. Elle avait pris cette habitude des années plus tôt et s'y tenait tous les soirs. C'était un rituel qui s'était instauré avec le temps. 

    Quand elle eu fini sa lecture, Alice referma le livre qu'elle reposa sur l'étagère. 

    "Allez vous coucher maintenant. Il est l'heure pour le marchand de sable de passer."

    Alice avait de l'autorité sur ses cadettes. Aucune ne contestait jamais ce qu'elle disait. Elles voyaient en elle une leader. Alice était un exemple pour ses soeurs, un modèle à suivre. Une fois qu'elles furent toutes couchées, Alice y compris, cette dernière attendit que toutes ses soeurs sans exceptions soient endormies.  

    En silence, elle se leva et elle se dirigea vers la porte de la chambre sur la pointe des pieds. Alice ne voulait absolument pas les réveiller. Elle craignait même de les réveiller. Elle devait se faire discrète. 

    Pieds nus, Alice se glissait avec la discrétion d'un chat dans les couloirs obscures du palais. Elle pouvait se repérer les yeux fermés. Elle ne faisait aucun bruit. Elle connaissait les heures de rondes des gardes et savaient à quel moment passer pour les éviter. 

    Comme chaque soir, elle ne croisa personne dans les couloir bien évidemment. Elle se rendait à l'autre bout du château. C'était un chemin assez long même si elle connaissait tous les raccourcis. Elle n'était plus très loin de sa destination. 

    Soudain, elle vit la lumière d'une torche à une intersection. Ce n'était pas un garde car ils ne passaient jamais par ce couloir et encore moi à cette heure-là.  Alice se colla contre le mur en espérant que la personne n'allait pas tourner dans sa direction. La personne? Elle entendit deux voix. Ce n'était pas une mais deux personnes. Et parmi elles, Alice arriva à reconnaître la voix de son père. Elle se demanda ce que pouvait bien faire le roi à une heure si tardive à se balader dans les couloirs du château. Elle retint sa respiration quand ils passèrent près d'elle. Ils ne tournèrent pas dans sa direction, heureusement pour elle. C'était un homme qui accompagnait le roi. Et pour être plus précis, il s'agissait de son conseiller. 

    "Votre Majesté, vous savez qu'il est temps de faire un bal pour trouver un prétendant à la princesse Alice. Elle est en âge de se marier et une mariage princier permettrait une alliance avec notre royaume.

    -Baliverne! Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas entendre parler de bal. Je déciderais du destin de la princesse et pour le moment, je ne veux point envisager cette solution. Je suis encore robuste. Je n'ai point besoin de marier ma fille pour le moment."

    Ils s'éloignèrent tandis que le conseiller essayait en vain de raisonner le roi et de lui faire accepter son point de vue. Quand elle n'entendit plus les voix et qu'elle ne vit plus la lumière de la lampe, Alice reprit sa marche silencieuse. 

    Ainsi, le conseiller était bien pressé de la voir mariée. Elle grimaça à cette pensée. Déjà qu'elle avait peu de liberté alors devoir épouser un homme qu'on aurait choisi pour elle... C'était lui retirer encore une liberté. La princesse atteignit la salle qui était sa destination.  

    Elle ouvrit, avec l'impatience d'un enfant qui se trouve devant un cadeau de noël, la porte qui était devant elle. Alice entra dans la pièce et fit en sorte de refermer la porte, tout doucement pour ne pas faire de bruit, derrière elle. 

    Alice s'avança jusqu'au centre de la pièce. C'était l'ancienne salle de bal. Personne n'y venait jamais depuis l'interdiction du roi. Personne sauf Alice. La salle était pleine de poussière. Alice ne pouvait faire le ménage dans le noir le plus complet. Mais elle connaissait les recoins de la salle par coeur et pouvait s'y repérer sans problème les yeux fermés. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit, elle ferma les yeux. Elle imagina une musique dans sa tête. Une musique douce et lente et elle s'élança pour danser. En rythme parfait avec la mélodie imaginaire, la danseuse se laissa emportée par ses pas gracieux. 

    Les yeux fermés, elle tournoyait seule dans l'immense pièce. Elle n'emmenait jamais ses soeurs avec elle ici. Alice les adorait mais elle avait besoin d'être seule quand elle se trouvait là. C'était son secret à elle, son moment à elle. 

    Quelques jours plus tard, Alice surprit ses petites soeurs en train de danser dans les jardins. 

    "Arrêtez! Si quelqu'un d'autre vous voit, père nous passera un savon.

    L'inquiétude la rongeait. Leur père ne laisserait pas passer que ses filles dansent. Elles auraient de gros ennuis. 

    Dans son dos, Alice entendit un toussotement. Oh non ! Ce qu'elle craignait venait de se produire, quelqu'un avait vu ses soeurs dansaient. Et à leurs têtes, ce n'avait pas l'air d'être n'importe qui. Alice savait qui se trouvait juste derrière elle mais elle espérait se tromper. Elle se retourna lentement pour réaliser que ses craintes étaient fondées. 

    -Père..., balbutia-t-elle, quelle joie de vous voir. 

    -J'aimerais pouvoir en dire autant.

    Le roi avait un regard sévère. Un regard froid qui, quand vous le croisez, vous dissuade de lui tenir tête. Il était célèbre bien au-delà du royaume pour son fameux regard. Toutes les filles étaient crispées. Elles attendaient que leur père rajoute quelque chose. 

    -Allez dans mon bureau, immédiatement."

    Son ton ne laissait aucune place à la protestation. Les princesses suivies de leur père rentrèrent dans le château et se rendirent dans le bureau du roi. Celui-ci s'installa lentement dans son fauteuil. Il regarda une à une chacune de ses filles, debout en face de lui. Elles étaient alignées dans l'ordre de leurs naissances et se tenaient droites. Alice évitait à tout prix le regard glacial du roi qui les dévisageait avec lenteur. Il enleva ses gants pourpres qu'il posa sur son bureau.

    Les hurlements du roi s'étaient entendus à l'autre bout du château. De sa vois puissante, il avait incendié ses filles les unes après les autres. Il avait commencé par la plus jeune, se montrant un brin plus doux qu'avec ses aînées. Le tour d'Alice arriva enfin. 

    Elle avait le visage impassible. Alice était plus grande que son père. Elle le dépassait d'une demie-tête. Cependant, elle se sentait bien faible devant ce père froid et implacable. Elle regardait droit devant elle, ne voulant pas croiser le regard de cet homme.

    Pendant un moment qui lui parue interminable, Alice encaissa les aboiements et les mots cruels que son père lui crachait au visage. Plus jeune, elle en pleurait, maintenant, elle serrait les poings. Que pouvait-elle bien faire d'autre? Elle n'était rien en comparaison au roi. Elle ne pouvait pas lui répondre mal, elle ne pouvait pas se dresser contre lui. 

    "Sortez maintenant! La danse est bannie de ce royaume. La prochaine que je surprendrais à danser le regrettera! Elle sera pendue. "

    Cela pouvait être paraître comme une menace extrême ne visant qu'à faire peur. Mais le roi était un homme qui n'avait pas d'humour, qui ne rigolait jamais. Alice déglutit. Elle savait qu'il était sérieux. 

    Elle avait donc arrêté ses escapades nocturnes et ne se rendait donc plu, seule le soir, dans la salle de bal. La danse, seule morceau de liberté qui lui restait clandestinement, lui avait été arraché. Elle tenait à sa vie. La salle de bal était désormais déserte à jamais. 

    Alice prenait soin de ses soeurs aussi. Elle s’inquiétait pour elle. La princesse imaginait souvent qu'une de ses cadettes n'ait pas pris la menace du roi au sérieux. Comme une fée bienveillante, Alice veillait sur ses petites soeurs. 

    Seulement, parfois, quand on est jeune, on teste les limites. Alice ne pouvait pas sans cesse surveillait les autres princesses. Et l'une de ses plus jeunes soeurs avait enfreint la règle concernant la danse. 

    Le roi s'était alors montré cruel. Il avait mis sa menace a exécution. La princesse avait été enfermée tout de suite enfermée dans les cachots du château et ses soeurs n'avaient nullement le droit de venir la voir. Dans la cour de la demeure royale, le roi avait fait mettre un échafaudage de bois pour la pendaison. 

    C'était sans ménagement que le roi, devenu tyran et monstre, avait fait pendre l'une de ses filles devant la cour entière et ses autres filles. Il les avait obligées à assister à l'exécution de leur soeur. Elles avaient été aux premières loges. Alice n'avait pas pu regarder. Elle avait fermé les yeux. Elle ne reconnaissait plus son père. Comment avait-il pu faire cela?! C'était au-delà de l’imaginable. Alice avait toujours eu un profond respect pour son père. Mais à partir de ce moment là, tout le respect qu'Alice avait pour le roi venait de disparaître. Elle ne ressentait que de la colère pour son père. 

    Quelques semaines après l'exécution, les princesses ne dansaient plus en cachette. Elles avaient bien trop peur de leur père. Aucune ne voulait mourir. Alice avait continué à lire à ses soeurs des histoires tous les soirs. Elle remplissait son rôle de grande soeur protectrice bien plus qu'elle le devrait pour son âge. 

    Ce soir-là, les deux plus jeunes couraient en jouant à chat dans la chambre. Elles partageaient toutes une seule et unique chambre. Soudain, la plus petite chuta dans un recoin de la pièce. Elle se rattrapa au mur à une dalle. Cette dernière s'affaissa et le mur se mit à trembler. Un passage secret s'ouvrit sous les yeux à la fois inquiets et curieux des princesses. 

    "Ne vous en approchez pas! Cela pourrait être dangereux.

    Alice ne connaissait pas l'existence de ce passage. Elle ne voulait pas qu'une de ses soeurs s'en approche. Si l'une d'elle devait y entrer et vérifier que rien n'était dangereux, ce devait être elle. Doucement, elle s'approcha de l'ouverture dans le mur. 

    "Blair, donne-moi donc une bougie", ordonna Alice.

    La dénommée Blair exécuta l'ordre de son aînée sur le champ. Alice prit la bougie et elle se tourna vers le passage secret et s'avança vers celui-ci avec prudence. 

    A la faible lumière de la bougie, elle discerna dans l'obscurité un escalier en colimaçon. Alice ne savait pas s'il descendait loin dans les sous-terrains du château et elle ne voulait pas se risquait à descendre ce soir.

    Le passage se referma de lui-même quelques instants plus tard. Les princesses conclurent qu'elles iraient explorer ce passage le lendemain soir.  Et le soir suivant, elles se munirent chacune d'une bougie. Alice ouvrit le passage et fut la première à s'aventurer dedans. Les autres la suivirent.

     Pendant combien de temps descendirent-elles l'escalier? Au moins une bonne dizaine de minutes. Quand elles arrivèrent en bas, les princesses constatèrent qu'elles n'avaient plus besoin de leurs bougies. Une lumière surnaturelle s'échappait de cet endroit sous-terrain. Alice posa sa bougie imitée ensuite par ses soeurs. Elles les reprendraient quand elles remonteraient dans leur chambre.

    Elles ne savaient pas vraiment où elles étaient mais le lieu était magnifique. C'était une sorte de petit jardin encerclé par des haies qui couvraient les murs. Le plafond ressemblait à un ciel étoilé et le sol était en pelouse. La verdure était abondante. Sur les haies, il y avait des fleurs... Mais des fleurs faites de pierreries. Cet endroit secret était tout simplement féerique. Alice s'avança, bouche bée devant ce spectacle. 

    Une idée la frappa soudainement. Personne ne les voyait ici. Personne ne pouvait les voir et personne ne se doutait que les princesses étaient là. Peut-être pourraient-elles danser ici? Il  y avait bien assez de place. Alice jeta cependant un coup d'oeil vers ses pieds. Elle n'avait plus de chaussons de danse depuis des années et danser pieds nus ici ne serait convenable. Elle devrait garder ses souliers et elle grimaça un peu à cette idée. Les souliers n'étaient pas des chaussures agréables et danser avec abîmerait vite les chaussures mais aussi les pieds de la danseuse.

    "J'ai rarement de la visite. Vous êtes-vous perdues, mesdemoiselles?"

    Alice se retourna vers la voix masculine qui venait de derrière elle et ses soeurs. Elle ne connaissait pas cette voix. En face d'elle ce tenait un jeune homme qui avait un grande élégance. Alice le détailla. Il était grand et mince. Plus que mince même. Il était d'un maigreur effrayante. Vêtu d'un costume noir, l'homme avait ses doigts squelettiques recouverts de gants eux aussi noirs. Ses yeux verts avaient une teinte surnaturelle qui contrastait avec la pâleur cadavérique de sa peau.  Alice se méfia de ce jeune homme qu'elle ne connaissait pas. Les avait-il suivi? C'était impossible, elles l'auraient remarqué bien plus tôt.

    "Qui êtes-vous? demanda Alice avec méfiance. 

    Un sourire carnassier se dessina sur le visage lugubre de l'inconnu.

    -D'ordinaire, la politesse veut qu'on se présente avant de poser ce genre de question, princesse. Mais vous le demandez si gentiment que je vais vous répondre. Je suis le gardien de ce lieu, lord Baxter. 

    Ce nom ne disait rien à la princesse. Elle jugea inutile de se présenter car il avait l'air de savoir qui elle était. Le regard du jeune homme se posa sur les autres princesses qu'il salua poliment une à une. 

    -Bienvenue à la Cour Secrète. Faites ici ce qu'il vous plaira. 

    -Même danser? demanda l'une des plus jeunes soeurs d'Alice.

    Le regard de lord Baxter se posa sur elle.

    -Mais bien sûr. Personne ne le saura. Vous êtes en sécurité ici. 

    Un sourire apparu sur son sinistre visage. Puis, il claqua des doigts. Une musique se mit en route. Il était impossible de définir la source du bruit mais elle était bien là. 

    -Danser, vous le pouvez si vous le souhaitez. Tous vos rêves deviennent des réalité en ce lieu.

    Le plus petites, ravies, s'étaient déjà mises  à danser. Cette sensation de légèreté leur avait tellement manqué. Elles se sentaient libres.  Alice fut bientôt la seule qui ne dansait pas alors que c'était celle qui aimait le plus virevolter sur la musique. 

    -C'est presque trop beau pour être vrai, chuchota-t-elle.

    Lord Baxter était maintenant à côté d'elle. 

    -Vous avez raison, princesse. Ce lieu vous apporte la liberté dont vous rêvez mais elle a un prix. 

    -Un prix ? Nous n'avons pas d'argent sur nous. 

    Un sourire carnassier apparut de nouveau sur le visage de lord Baxter. 

    -Qui vous parle d'argent? Je veux simplement que chaque soir vous reveniez ici. Que chaque soir vous empruntez le passage et veniez me rejoindre. Je serais là pour vous accueillir. 

    -Et si nous ne venons pas?

    -Les conséquences seraient terribles. Pas pour moi, princesse. Mais pour vous et vos soeurs. 

    -Est-ce une menace?

    -Une mise en garde. Mais tant que vous êtes là, profitez de ce que je vous accorde."

    Alice partie danser. Elle n'aimait pas la présence de lord Baxter. Il lui semblait trop effrayant. Quelque chose dans cet homme ne lui inspirait pas confiance. Elle s'en méfierait. La princesse Alice rejoignit ses soeurs et se mit à danser en rythme avec la musique. Une vraie musique! Pas une mélodie qu'elle imaginait dans son esprit. Elle laissait ses pieds la guider. 

    Toutes les bonnes choses ont une fin. Et les princesses retournèrent au petit matin dans leur chambre. Leurs souliers étaient usés jusqu'à la corde. Il leur en fallait des nouveaux. Le roi fronça les sourcils en voyant l'état des chaussures de ses filles. Il leur en offrit à chacune une nouvelle paire. 

     Cependant, le roi s'aperçut vite que chaque matin, les souliers de ses filles étaient totalement usés. Il les soupçonna de danser en cachette la nuit dans leur chambre. Le roi n'avait cependant aucune preuve. Alors, il interrogea les princesses une à une. Mais aucune ne parla. Aucune ne  révéla l'existence du passage secret. 

    "Si vous ne faites rien, Alice, explique-moi comment vos chaussures se retrouvent tous les matins dans cet état lamentable? 

    -Je ne sais pas, répondit Alice. Vous savez, père, nous marchons beaucoup pour occuper nos journées."

    Le roi n'apprécia pas l'insolence de sa fille et la renvoya de son bureau sur le champ. Le soir même, il posta des gardes devant la chambre de ses filles. Ainsi, il serait certain qu'elles ne sortiraient pas de leur chambre. Cependant, comme chaque matin, le souliers étaient usés le lendemain. Le roi demanda alors à ses garde s'ils avaient entendus des bruits de pas durant la nuit. Les gardes répondirent de manière négative. 

     Un soir, Alice se sentit mal et les princesses n'allèrent pas danser. Quand elles se rendirent le lendemain soir dans le passage secret pour rejoindre lord Baxter, celui-ci les accueillit avec un grand sourire.

    "Vous n'êtes pas venues hier, princesses.

    -Je me sentais mal, se défendit Alice.

    -Peu importe la raison. Vous n'êtes pas venues. Et par votre absence vous m'avez libéré du sortilège qui m'emprisonner en ce lieu. Oh! Je ne peux pas partir de château. Mais je peux m'y déplacer maintenant tel un fantôme. 

    -Qui êtes-vous exactement?

    -Je suis lord Baxter. Autrefois, le conseiller du premier roi de ce royaume."

    Alice grimaça et frissonna. Il y avait une légende sur cet homme, le conseiller du premier roi. On disait que le conseiller était un homme qui avait été obsédé par le pouvoir et que ça l'avait conduit à sa perte. Il était jeune et intelligent mais bien trop machiavélique et le premier roi s'en était aperçu. Le conseiller avait voulu monter un complot contre ce roi pour prendre sa place sur le trône mais le roi avait été le plus rapide en faisant appel à un magicien qui avait, selon la légende, enfermé le conseiller dans les murs du château afin de l'emprisonner à jamais. La légende se terminait par le fait que, si un jour le conseiller s'échappait, seul l'épée du premier roi pourrait le tuer définitivement.

    "J'ai attendu si longtemps ce moment, princesses. Je savais qu'un jour, quelqu'un trouverait le passage secret et viendrait jusqu'à moi. Ironie, vous m'avez libéré alors que votre ancêtre m'avait emprisonné. 

    -Vous ne ferez de mal à personne! 

    -Vous croyez? Soit. Mais cela aura un prix. Venez  chaque soir ici. Ne loupez plus jamais un jour. Sinon, je n'aurais plus aucune pitié."

    Depuis ce soir-là, les princesses remarquèrent que de temps en temps des objets leur appartenant disparaissaient. Il ne leur fallut pas longtemps pour découvrir que l'auteur de ses vols était lord Baxter. C'était le prix qu'elles devaient payer pour n'être pas venues une fois. Si elles venaient à recommencer, lord Baxter avait été très clair, il les tuerait une à une. Alors elles obéissaient sous la menace. Elles venaient chaque soir.

    Malheureusement, le roi ne l'entendait pas de cette oreille. Il en avait bien assez du secret que caché ses filles et il avait retiré les gardes qui faisaient le guet devant leur porte. Il fit paraître une annonce dans tout le royaume. Il invitait des jeunes gens à venir passer à trois nuits  dans le château. Pendant celle-ci, l'homme n'aurait qu'une simple mission: découvrir comment les princesse usaient leur chaussures. Au terme de ce délai, deux possibilités se présentaient. Si le jeune homme apportait la vérité au roi sur ce  mystère, il lui offrirait la main d'une de ses filles. A l'inverse, s'il ne découvre pas la façon dont les souliers sont usés au bout de trois nuits, le roi le fera pendre. 

    Malgré le danger de la mort, l'annonce attira pas mal d'hommes prêts à tenter leur chance. Cependant, les princesses ne l'entendaient pas de cette oreille. Et lord Baxter non plus. Il offrit aux princesses une méthode pour être certain qu'aucun des candidats ne réussiraient. 

    Beaucoup échouèrent et le roi mettait toujours à l'oeuvre sa menace qui devenait une réalité. Chaque homme qui ne trouvait la clef de ce secret fut pendu. Le premier fut le plus compliqué. A chaque exécution, les princesses devaient être présentes. Au début, elles avaient de la compassion pour ces hommes qu'elles envoyaient à la mort. Mais au fur et à mesure des exécutions, elles étaient devenues plus insensibles. C'était maintenant une banalité pour elles qui se déroulait tous les trois jours. 

    C'était un cruel choix. Mais soit ces hommes mouraient les uns après le autres pour avoir échouer, soit les princesses prenaient le risque d'être découvertes et dont de se voir interdire de rejoindre le seul lieu où elles pouvaient danser. Le lieu où elles devaient se rendre chaque soir ou lord Baxter les menaçait de mort. C'était tout simplement soit la vie de ces hommes soit la leur. 

    Combien de temps ce jeu mortel du chat et la souris allait-il encore durer? 

    Les mois s'écoulèrent avec une extrême lenteur. Tant de morts... Tant de sang avait couler. Alice aurait voulu arrêter ce massacre mais les menaces de lord Baxter la réduisait au silence, elle tout comme ses soeurs. 

    Ben était un soldat comme tous les autres. Il avait fui un champ de bataille plus jeune alors qu'il n'était qu'un enfant. Il venait d'autre royaume qui était autrefois en guerre. Ben avait été envoyé au front alors qu'il n'avait même pas atteint l'âge de 15 ans. Il avait vu des scènes qu'aucun enfant ne devrait voir. Il avait connu la souffrance et la faim. On pouvait le traiter de lâche mais il était en vie. Ben avait traversé un bon nombre de royaume après sa désertion. Et il était arrivé dans le royaume de Mandragora. Le mystère qui entourait les princesses l'intéressait. Ben n'était pas un courageux. C'était peut-être un aventurier mais il savait à quel point la vie était trop précieuse pour la mettre stupidement en jeu. Il ne comprenait pas tous ces imbéciles qui risquaient leurs vies. 

    Un jour alors qu'il mangeait un maigre repas, car, Ben devait l'avouer, l'argent ne lui tombait dans les bras, une vieille femme s'approcha de lui.

    "Je peux vous aider, grand-mère?

    -Ton coeur est pur.

    Ben fronça les sourcils. Si cette femme le disait, peut-être que c'était vrai. Mais dans un monde pourri, à quoi bon avoir un coeur pur? Elle poursuivit en se tenant à une vieille canne.

    -Tu ne rêves pas de richesse ni de gloire, jeune homme. Que recherches-tu en voyageant comme tu le fais?

    Ben interrompit son repas. Cette femme l'avait plutôt bien cerné. 

    -Juste un endroit où je me sentirais utile pour un maximum de gens. Où je pourrais apporter le bonheur à quelqu'un. 

    Il avait connu beaucoup trop le malheur et la misère pour aspirer à autre chose. 

    -Ton coeur est pur, répéta-t-elle. Et ton souhait peut se réaliser. Personne dans ce royaume n'en était digne mais toi tu l'es. Accepte ceci.

    La femme sortir de sous son bras une grande cape bleue comme la nuit. Ben fronça les sourcils mais accepta le présent avec modestie, remerciant la vieille dame. Le tissu était à peine usé. Ben pensait s'en servir pour les nuits hivernales où le froid lui mordrait la peau. La femme continua de parler.

    -C'est une cape d'invisibilité.

    Ben se retint de rire. Cette vieille ne devait plus avoir toute sa tête pour sortir pareille ânerie.

    -Répète après moi, petit. Disparaître est parfois une solution, que la vérité éclate devant mes yeux. 

    -Disparaître est parfois une solution, que la vérité éclate devant mes yeux.

    Ben a surtout répété afin de ne pas vexer la vieille dame. C'était un acte de pur politesse. Cependant, il ne s'attendait pas à ce que la cape devienne effectivement invisible dans ses mains. Il écarquilla les yeux.  

    -Gamin, si un jour tu décides de percer le mystère des princesses, ne bois pas de vin. Sous aucun prétexte."

    Quelques jours plus tard, Ben se rendit au château de Mandragora. Un homme avait été exécuté le matin même pour ne pas avoir réussi à percer à jour le secret des princesses. Si Ben avait décidé de tenter sa chance c'est parce qu'il avait la cape que lui avait donné la vieille femme avec lui. Autrement, il ne serait jamais venu au château. Il était certain que cette cape l'aiderait. Il se souvenait de la recommandation que la femme lui avait faite et s'était promis de la respecter. 

    Ben fut accueilli par le roi en personne. Il s'inclina et celui-ci lui ordonna de se relever. Ben le dévisagea quelques secondes. Il s'attendait à un roi fort et brave. Une image imposant le respect mais il était en présence d'un homme usé par le temps qui semblait être lassé de la vie qu'il menait. Ben ressentit alors pour le roi une pointe de compassion. 

    -Vous avez trois jours. Sinon, vous connaîtrez le sort que tant de malheureux avant vous ont subi."

    Toute la compassion que Ben ressentait pour le roi disparu. Cet homme ne perdait pas le nord. Il n'aurait aucune pitié pour Ben si celui-ci échouait. 

    Alice devait apprendre le protocole de Mandragora par coeur sous le nez de son professeur. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Elle devait le maîtriser à la perfection. Et tout cela l'ennuyait profondément. La princesse jetait un coup d'oeil par la fenêtre dès que son professeur ne la regardait pas. Elle voulait sortir et s'évader loin de ces leçons. Ses pensées la dirigèrent alors vers lord Baxter qu'elle rejoindrait ce soir encore avec ces soeurs. L'horreur avait fait place à une banalité et lord Baxter leur offrait ce qu'elles rêvaient le plus au monde: la liberté. 

    Après sa leçon, Alice avait quartier libre. Elle vagabonda dans les couloirs presque déserts du château. Les gardes qui la rencontrait la saluait gravement comme toujours. Elle croisa alors un visage qui ne lui était pas familier. Ben. Alice devina aussitôt qu'il était là pour percer le mystère de leurs chaussures usés tous les matins. Arrivant près d'elle, Ben s'inclina respectueusement.

    "Princesse. C'est un honneur de vous croiser.

    Alice le toisa du regard.

    -Vous ne penserez plus cela dans trois jours lorsque vous serez sur le point de mourir."

    Il allait échouer. Comme tous les autres avant lui. Alice le savait, c'était une certitude. Étrangement, Ben sourit, ce qui déstabilisa la princesse. 

    Le premier soir venu, après le repas, à l'heure du coucher, Alice et ses soeurs se rendirent jusqu'à la chambre de Ben. Elles frappèrent à la porte. Le jeune vint ouvrir, assez surpris en les voyant.

    "Nous voulions simplement vous souhaiter bonne chance, dit Alice.

    Elle lui tendit un verre de vin.

    -Les hommes aiment le vin, en cadeau, nous vous apportons cette coupe."

    Ben prit le verre et regarda le liquide en songeant aux conseils que lui avait donné la vieille femme. Il remercia poliment les princesses et comme c'était le premier soir et qu'il lui restait du temps pour découvrir leur secret, Ben but le verre. 

    Alice sourit et partit avec ses petites soeurs. Ben eut, lui, envie de dormir et il comprit. Dans le vin, les princesses avaient mis un somnifère. Il alla donc se coucher en sachant qu'il ne devrait plus en boire lorsque le lendemain elles lui apporteraient une nouvelle coupe de vin. 

    Le lendemain soir, Alice offrit une fois encore un verre de vin à Ben. Celui-ci l'accepta mais referma la porte de sa chambre sans avoir bu le vin. Il vida le contenu de la coupe en maudissant les princesses. Elles avaient voulu le piéger.  Il prit la cape d'invisibilité qui était posée sur son lit et il s'enroula dedans avant de réciter la petite formule de la vieille femme. Ben était à présent invisible. Il sortit de sa chambre et se dirigea vers celle des princesses qu'il avait repéré plus tôt dans la journée.  Par chance, la porte était entrouverte et il se faufila à l'intérieur manquant de percuter Alice qui allait justement fermer la porte. Ben s'installa dans un coin de la chambre afin qu'aucune des princesses ne le percute par mégarde. Il ne devait pas se faire repérer. 

    Alice ouvrit le passage secret dans le mur et s'y engouffra suivie de ses soeurs. Surpris mais déterminé, Ben entra dans le passage à la suite de la plus jeune des princesses. Alors qu'il descendait, il marcha malencontreusement sur la robe de la petite princesse. 

    "Quelqu'un a marché sur ma robe! se plaignit-elle.

    Alice se retourna. 

    -Il n'y a personne derrière toi. 

    -Mais..."

    Alice la regarda sévèrement. La petite ne tenta pas de s'expliquer à nouveau. La douceur de l'aînée des princesses avait fini par disparaître. Alice n'était pas heureuse et cela se voyait dans son comportement quotidien. Elle ne souriait plus comme elle en avait l'habitude avant. 

     Comme chaque soir, les princesses vinrent voir lord Baxter. Celui-ci les accueillit chaleureusement, ce qui dégoûta l'aînée. Alice ne faisait aucunement confiance en cet homme. Elle le méprisait car il les faisait chanter. Lord Baxter avait remarqué qu'il n'était pas dans les bonnes grâces de la princesse et cela l'amusait assez. Personne ne se douta de la présence de Ben. Il restait bien dissimulé sous sa cape. Il analysait tout ce qu'il voyait. 

    Lord Baxter était proche d'Alice et il lui prit le menton.

    "Vous étiez plus belle quand vous souriez princesse.

    D'un revers de la main, Alice écarta celle de son interlocuteur.

    -Je n'ai pas envie de vous sourire. Vous savez ce que je pense de vous.

    -En effet. Mais tant que vous venez me tenir compagnie, je suis satisfait. "

    Alice ignora les paroles de lord Baxter. Il ne s'imaginait pas à quel point elle le détestait. Ben n'avait rien perdu de l'échange. Il avait compris que cet homme était un problème. Les princesses n'avaient pas l'air de venir ici par envie. 

    C'était le dernier soir pour Ben au château. Demain, si son plan ne marchait pas, il pourrait finir exécuté. Encore faudrait-il qu'on le trouve. Si Ben n'apportait pas la réponse du mystère au roi, il pourrait toujours s'enfuir grâce à la cape. C'était une solution. Il  pourrait partir de Mandragora et se refaire une vie ailleurs. Il n'avait rien qui l'attachait à ce royaume alors il pouvait très bien partir sans le regretter si les choses ne se passaient pas comme il l'avait prévu. 

    Comme les deux jours précédents, Alice et ses soeurs apportèrent à Ben un verre de vin. Il fit la même chose que le soir précédent. Il vida le vin et son somnifère dans un pot de fleur. Il se drapa dans la cape d'invisibilité et prit une épée qu'il avait réussi à dérober dans l'armurerie quelques heures plus tôt.

    Il s'infiltra de nouveau dans la chambre des princesses. Une fois encore, elle ne le remarquèrent pas. Alice ouvrit le passage dans le mur et s'y engouffra. Ses soeurs la suivirent et Ben ferma la marche, blottit dans sa cape. 

    Comme à son habitude, lord Baxter les attendait. Il les salua poliment en s'inclinant et fit même un baise-main à Alice qui sembla plus dégoûtée qu'heureuse. Les princesses allèrent danser sur la musique. Puisqu'elles étaient ici, autant qu'elles en profitent. La seule qui ne profitait pas de l'endroit était Alice. Elle se tenait à l'écart de tout même de lord Baxter. Celui-ci ne lui accordait pas la moindre importance, dansant avec l'une des princesses. 

    Ben vint près d'Alice et lui parla en chuchotant:

    "Princesse, n'ayez crainte. Je sais que vous n'êtes pas heureuse ici. Je vous sortirais d'ici.

    Alice sursauta. Elle reconnut la voix du jeune homme mais ne pas le voir la perturba. 

    -comment?.. 

    -On m'a fait un cadeau. N'ayez crainte. Faite moi simplement confiance votre altesse."

    Alice avait-elle vraiment le choix? 

    Ben s'éloigna de la princesse pour se diriger vers lord Baxter. Il tenait son épée à la main. Devait-il aller jusqu'à le tuer ou pouvait-il simplement se contenter de le blesser? La seconde option était celle que préférait Ben. 

    Ben souleva tout à coup sa cape et attaqua avec son épée le maître des lieux. Avec une grâce inouïe, lord Baxter esquiva le coup mais n'empêcha pas  Ben de le blesser à l'épaule. 

    "Un invité surprise? Vous me décevez princesse.

    Lord Baxter avait perdu en un instant son calme apparent et sa fausse douceur.  Une épée se matérialisa dans les mains de lord Baxter.  L'effet de surprise était passé et Ben n'aurait plus la possibilité de blesser aussi facilement. 

    -Je me suis invité seul. Les princesses n'ont rien à voir avec cela.

    -Peu importe. Êtes-vous prêt à périr jeune homme?

    Cet confiance excessive en lui agaça profondément Ben.

    -Pas vraiment."

    Lord Baxter voyait un effronté en Ben. Il voulait s'en débarrasser et il ne doutait pas qu'il réussirait. 

    Ben provoqua le lord dans un duel. Alice entraîna ses soeurs à l'écart. Toutes étaient effrayées par la tournure des événements. 

    Epées à la main, les deux hommes se faisaient face. Ben ne quittait pas lord Baxter des yeux. Il savait que son adversaire était un être redoutable. Un instant d'inattention pouvait être fatal. 

    Les épées s'entrechoquèrent. Lord Baxter avait cru pouvoir vaincre ce jeune insolent facilement. Il devait avouer s'être trompé. Ben savait manier l'arme qu'il avait entre les mains avec une aisance déconcertante. 

    Les deux hommes se battaient et se blessaient mais aucun ne semblait prendre le dessus sur l'autre. Les princesses encourageaient Ben. Alice était silencieuse. Elle observait le combat, un masque impassible sur le visage. 

    Soudain, lord Baxter fit voler l'épée de Ben de ses mains. Le jeune homme se retrouva désarmé. De justesse, Ben évita une attaque de lord Baxter en roulant sur le sol. Il se redressa tandis que lors Baxter s'apprêtait à lancer une nouvelle attaque. La lame de l'épée effleura  l'épaule de Ben, entaillant légèrement sa peau. Ben grimaça. Il ne pourrait pas éternellement esquivait l'épée de lors Baxter. Ben esquivait du mieux qu'il pouvait les attaques. Il s'épuisa plus vite qu'il ne le crut et, soudain, il trébucha. 

    "Votre vie touche à sa fin, jeune homme." 

    Lord Baxter souleva son épée derrière sa tête pour porter le coup final à un Ben impuissant à ses pieds. 

    Cependant, l'épée ne s’abattra jamais sur la tête de Ben.  Lord Baxter avait toujours son épée au-dessus de sa tête. Il était figé, une expression de douleur peinte sur le visage.  Lord Baxter baissa les yeux vers son ventre. Une épée le transperçait. Le sang se répandait sur ses beaux habits d'apparats. Il s'écroula en lâchant son arme mortelle. Lord Baxter était mort. 

    Lorsque lord Baxter était tombé, Ben avait découvert derrière lui Alice. Les mains de la princesse étaient couvertes de sang. Elle tremblait, pétrifiée. Ses yeux regardaient devant elle mais ils étaient perdus dans le vide. 

     "Alice?", appela une de ses soeurs qui s'inquiétait pour elle.

    Alice ne répondit pas. Elle était en état de choc. Elle n'avait pas réfléchi. La princesse avait vu l'épée, elle avait vu Ben en difficulté. Son instinct l'avait poussé à prendre l'arme. Lord Baxter n'avait prêté aucune attention à elle. Alice l'avait lâchement tuer. Elle avait pris une vie. 

    Ben se releva, remis de ses émotions. Il jeta un regard méprisant au corps de lord Baxter. Il s'approcha de la princesse Alice qui était toujours en état de choc. Ben s'inclina devant elle.

    "Vous n'avez plus rien à craindre, princesse."

    Alice ne lui ordonna pas de se relever. Elle était ailleurs. Elle n'avait pas entendu les mots prononcés par le jeune homme. Sa mémoire cherchait à effacer ce qu'elle venait de faire. 

    Le lendemain matin, Ben se présenta devant le roi. 

    "Avez-vous découvert le mystère qui entoure mes filles? 

    Toutes les princesses étaient présentes dans la salle. Alice avait un air fatigué. Elle n'avait pas dormi de la nuit. Quand le sommeil l'enveloppait, ce qu'elle avait fait subir à lord Baxter la rattrapait, l'empêchant de rêver.

    Ben était agenouillé devant le roi.

    -Oui, votre Altesse. 

    La réponse du jeune surprit grandement le roi. 

    -Et bien, parlez."

    Ben se lança alors dans les explications en étant le plus précis possible. Il mentionna la cape d’invisibilité qu'il présenta comme preuve. Il parla longtemps. Il narra le chantage qu'exerçait lord Baxter sur les princesses. Le roi ne disait rien, il écoutait en hochant parfois la tête.

    "Je n'ai qu'une parole. Vous serez le futur roi en épousant l'une de mes filles. Demandez la main de celle que vous voulez. 

    Ben releva légèrement la tête. 

    -Je ne sais pas si je serais à la hauteur, votre Altesse.

    -Vous le serez. Relevez-vous."

    Ben exécuta l'ordre. Le roi lui demanda alors laquelle de ses filles Ben souhait-il épouser. Le regard du jeune homme se dirigea de suite vers Alice. Elle était la plus âgée mais ils avaient approximativement le même âge. Elle était belle et elle lui avait sauvé la vie. 

    "Princesse Alice, me feriez-vous l'honneur de devenir ma reine?

    Alice fut étonnée. Elle ne s'attendait pas à ce que Ben la choisisse. Cette question n'était qu'une mascarade. Elle n'avait pas le droit de refuser. 

    -Oui", répondit-elle sèchement.

    Quelques mois plus tard, le mariage eut lieu. Alice avait pris soin d'éviter son futur époux le plus possible depuis les fiançailles. Ben respectait ce choix. Il avait passé plus de temps avec les autres princesses qu'avec sa futur femme. Les princesses s'étaient toutes attachées à Ben et le roi lui-même reconnaissait de nombreuses qualités digne d'un roi en lui.

    Lors des festivités, Ben fut subjugué devant la beauté dans sa robe de mariée. Le mariage était aussi le jour du couronnement. Le roi abdiquait pour laisser place sur le trône à sa fille et son mari. Alice ne dit aucun mot de la journée, un masque impassible sur le visage.

    Les jeunes mariés furent applaudis par le peuple invité pour l'occasion. Cependant il n'y eut pas de musique, de chant ni de danse. Sans en avoir averti le roi ni personne d'autre d'ailleurs, Ben entama un discours. Alice l'écoutait, debout à ses côtés, en silence. Il fit alors une annonce qui surprit tout le monde.

    "Enfin, en tant que roi, je vais abolir une interdiction qui n'a que trop durer. A présent, chacun est libre de jouer de la musique, d'en écoutant, de chanter et bien entendu de danser."

    Les soeurs d'Alice sautèrent de joie tandis que cette dernière regardait l'homme qui était maintenant son époux avec une surprise non dissimulée. Le roi quand à lui était en colère mais il avait passé la main et peu importe ce qu'il souhaitait, Ben avait désormais le dernier mot. 

    Le temps s'écoula lentement. Les princesses dansaient de nouveau et la plus heureuse d'être elles était Alice. Jeune mariée, elle se rendait compte que Ben était un homme tout à fait agréable et elle ne l'avouerait sans doute pas encore  mais le jeune homme lui plaisait. 

    Ben invitait souvent sa femme à danser sachant qu'elle aimait particulièrement cela. C'était un mauvais danseur mais avec le temps, il s'améliorait. Alice lui apprenait des danses de salon. Il avait découvert en Alice une personne très patiente. 

    Ben gouverna le royaume de Mandragora de son mieux avec l'aide d'Alice. 

     


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